"Enseigner l’entrepreneuriat ? Former à l’innovation et à la
créativité ? L’idée pourra paraître saugrenue à certains : n’est-on pas
entrepreneur « de naissance », « par tempérament » ? L’acte d’innover ne procède-t-il pas d’une alchimie étrange – quelques individus étant en outre plus « doués » que les autres ?
« Pourtant, ces thèmes font l’objet d’un véritable enseignement, souligne Philippe Mustar, professeur à Mines ParisTech. On
a longtemps cru que l’entrepreneuriat reposait sur une prédisposition
génétique. Or il n’a rien de mystérieux. Depuis les années 1980, c’est
même une discipline académique à part entière – avec ses revues, ses
associations professionnelles, ses activités de recherche… Aux
Etats-Unis, on dénombre quelque 4 600 cours sur la question, dans
1 700 universités. »
En France aussi, les choses ont changé.
La formation à l’innovation et à l’entrepreneuriat figure désormais au
menu de la plupart des écoles d’ingénieurs. Mais pas question de
recourir à des cours magistraux ou à des méthodes traditionnelles.
Tout
commence, en général, par une « sensibilisation », en début de cursus.
Il s’agit de faire comprendre, même à ceux qui visent une carrière dans
un grand groupe, que l’entrepreneuriat constitue une option
envisageable, avec des formes variées (y compris au sein de grandes
entreprises), et qu’ils pourront s’y épanouir même s’ils ne se sentent
pas attirés au départ. Au programme, rencontres avec des créateurs,
conférences, mises en situation… Nous identifions avec les élèves les ressorts mis en œuvre sur des projets personnels, même minimes, qu’ils ont menés à bien, explique Brigitte Caudroy, enseignante à Télécom Lille. Les élèves sont tout surpris que l’on s’intéresse à cela. »
« Apprentissage par l’action »
Mais
l’élément-clé de l’enseignement est le travail sur des projets :
création de start-up, plan de développement, de produit innovant, de
lancement d’activité nouvelle… De quoi permettre aux élèves de mesurer
les enjeux et les difficultés, et de trouver par eux-mêmes des
solutions.
Cet « apprentissage par l’action » est plus motivant qu’un cours ou une étude de cas classique. « Inutile de lire des livres pour apprendre à faire du vélo, assène Eric Langrognet, professeur d’entrepreneuriat à Centrale Paris. Il
faut se mettre en situation. Pour les créateurs potentiels, rien ne
remplace le travail sur le projet, avec le retour de référents
expérimentés. »
A l’Ecole d’ingénieurs en génie des systèmes industriels (Eigsi) de La Rochelle, les élèves de quatrième année planchent ainsi dix mois sur un projet complet de création, à partir d’un nouveau produit. « Cela permet à nos diplômés de se présenter sur le marché de l’emploi avec un profil de créateurs d’activité nouvelle », indique Dominique Breuil, qui supervise la démarche. Pas question pour autant de délaisser les disciplines fondamentales. « Notre enseignement reste fondé sur une base technologique forte », insiste Jacques Biot, président de l’Ecole polytechnique.
Certains
établissements poussent la « démarche projet » encore plus loin –
parfois au détriment de la théorie. A l’Epitech, la pièce maîtresse du
cursus est constituée par les « Innovative Projects » (EIP), menés en
groupe et directement utilisables dans le monde professionnel. « Dans le numérique, on ne peut pas se contenter d’enseigner de façon traditionnelle, affirme Emmanuel Carli, directeur général de cette école d’informatique. Il
faut une dimension professionnelle très forte, et une grande capacité à
faire. Mais ce modèle fondé sur le projet ne convient pas à toutes les
disciplines. »
A l’Ecole pour l’informatique et les techniques avancées (Epita), dès la 2e année,
les élèves conçoivent un projet qui pourra être porté tout au long de
la scolarité, et même déboucher sur une création d’entreprise. Résultat,
l’école compte un taux très élevé de créateurs – entre 6 % et 8 %.
« Mais si le projet constitue le point de départ de la formation, il ne doit pas en être le seul élément, souligne Christophe Midler, professeur à Polytechnique et directeur du master Projet, innovation, conception (PIC). L’enseignement
de l’innovation implique une approche transversale. Outre un bagage
scientifique et technique solide, il doit comporter des cours sur le
management (méthodologies, pilotage économique, gestion de projet…) et
des mises en situation. Et celles-ci doivent bénéficier d’un tutorat
assuré par des enseignants. »"
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